▬ Fen…. Feeen…. FENRIR !
▬ Hmph… Quoi putain ?
▬ Typhon a défoncé le grillage du pré et a encore réussit à sortir. On ne sait pas où il est… Ce canasson est encore plus têtu que sa maîtresse.
▬ … J’vais l’chercher, laisse-moi juste deux minutes pour émerger.

Typhon n’avait pas été baptisé comme ça pour rien. La Protectrice soupira dans son lit et retira la couverture rudimentaire de son visage. Son grand frère se contenta de hausser les épaules et sortir de la chambre. Elle jeta un coup d’œil par la fenêtre et put constater au vu de l’emplacement du soleil que l’on devait être au beau milieu de l’après-midi. Fenrir avait pour habitude de se réveiller un peu avant le coucher du soleil, quand sa ronde de nuit allait arriver. Il était bien trop tôt pour elle, surtout avec la nuit derrière qui avait été particulièrement longue car il ne s’était pas passé grand-chose. Cela se ressentait sur l’attitude de son cheval, Typhon, qui n’arrivait pas à tenir en place quand toute son énergie n’avait pas été canalisée la veille. Alors il se défoulait en faisant les premières bêtises qui lui venait à l’esprit. La pauvre clôture rafistolée déjà deux fois par son frère n’avait une nouvelle fois pas tenue le choc face au grand étalon à la robe noire parsemée de taches blanches.

Les deux minutes annoncées par Fenrir se transformèrent rapidement en cinq mais la Verte n’était vraiment pas du matin. Ou plutôt de l’après-midi tout du moins. Après avoir passé un peu d’eau sur son visage pour avoir l’air plus réveillée, s’être habillée des premiers vêtements un peu plus chauds et avoir avalé une pomme, elle sortit directement de la maison vétuste pour partir à la recherche de sa bourrique de monture. Elle ne put s’empêcher de penser qu’un de ces jours, Typhon allait tomber nez à nez avec un ours ou une autre bête sauvage capable de déchirer la chaire d’un coup de patte griffue, il ferait moins le fier sans sa cavalière.

En franchissant le pas de la porte, son éternel sabre sanglé à son dos, elle fut éblouie par quelques rayons de soleil filtrés par les arbres fruitiers. Elle salua de loin quelques têtes connues qui passaient par là et se dirigea directement vers le pré, s’approche de la clôture éventrée… Comme si l’équidé avait décidé de poser tout son arrière train sur les pauvres morceaux de grillage, même deux poteaux en bois où étaient attachés la clôture n’ont pas résistés et se sont tordus sous son poids. Fenrir soupira. Elle allait devoir s’occuper de ça avant que son père ne le remarque, il allait finir par virer Typhon du pré commun des chevaux si l’étalon ne changeait pas de comportement. Elle devait toutefois reconnaître que le canasson avait la même capacité qu’elle a s’attirer des ennuis bêtement.

▬ Merde, j’espère qu’il ne s’est pas planqué en dehors des limites de Rune.

Pesta la Protectrice en enjambant ce qu’il restait du grillage affaissé. Le grand pré longeait les sentiers connus de la forêt de Rune où elle due s’aventurer seule. Faisant résonner ses sifflements à travers la végétation, elle appelait le canasson et essayait de tendre l’oreille, à la recherche d’une éventuelle réponse ou d’un bruit de sabot qui aurait pu la mettre sur le bon chemin. Après une vingtaine de minutes à marcher, elle trouva des traces de sabots et commença à les suivre. Les marches étaient fraiches et les chevaux sauvages n’étaient pas courant par ici. Un énième sifflement et, enfin, un soufflement nasal bruyant lui répondit, puis la lourde silhouette apparut entre les arbres arrivant vers la Verte comme une fleur. La queue en panache, les oreilles dressés, il s’approcha dans un trop peu pressé, presque fier de sa connerie. Fenrir donne une tape gentillette sur ses naseaux, l’animal eut un mouvement de recul, comme vexé.

▬ Arrête tes conneries, on rentre maintenant.

La cavalière attrapa la crinière de Typhon et, dans un saut maîtrisé, elle monta sans effort à cru sur le dos du fugueur qui ne moufta pas d’un poil. La Protectrice commença à faire demi-tour, toujours en disputant à moitié le cheval toute seule. Bien évidemment, elle ne s’attendait pas à une réponse de sa part. Quoi que s’il était un jour doué de parole, il aurait été capable de la bouder et de ne pas lui adresser un mot de tout le chemin du retour malgré que ce soit lui le fautif.

Fen prit enfin la peine de regarder un peu plus au tour d’elle et fronça les sourcils. Ce n’était pas bon. La Protectrice ne s’était pas rendu compte que sa monture l’avait menée aussi loin. Elle n’était même plus sur les chemins connus de Rune mais bien à l’orée des ruines. Fenrir pouvait apercevoir les débris de bâtiments traîner dans la végétation devenue poussiéreuse à cause de celle-ci. Elle était curieuse de savoir ce qu’il y avait au-delà de ces bâtiments écroulés mais elle n’aimait plus trainer par là depuis que sa mère n’était jamais revenue de l’expédition du labyrinthe des ruines. De plus, la nature avait repris ses droits sur cet endroit, il n’était pas rare de croiser de gros animaux. Alors que la jeune femme était dans ses pensées, l’équidé s’arrêta net, toutes oreilles dressés, l’encolure tournée sur la gauche, comme s’il épiait quelque chose. La Protectrice vient donner un léger coup de talon dans les flancs du canasson.

▬ Fait pas ton froussard, c’est un lièvre qui se balade j’suis sûre. Aller bouge…

Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase que des bruits de coups résonnèrent non loin d’elle, comme si quelque chose ou quelqu’un cherchait à détruire une des vieilles bâtisses en brique encore debout dans les environs. Il n’était pas rare que les structures branlantes s’écroulent sur elles-mêmes avec le temps. Néanmoins, le cri qui accompagna un vacarme de briques qui fit fuir les oiseaux environnants semblait tout sauf animal. Fen était persuadée d’avoir reconnu une voix d’un habitant de Rune mais dans l’immédiat, elle ne chercha pas à mettre de nom sur cette voix. Donnant un coup de talon cette fois-ci plus franc, le cheval réagit au quart de tour en direction de la source du cri. Comme elle le pensait, non pas une maison mais un mur pourtant costaud s’était effondré. Deux silhouettes étaient visibles au loin. D’un côté une boule de poil massive aux défenses prononcées jonché d’éclats de brique, son pelage presque blanc de poussière. Un sanglier ? Celui-ci était immense par rapport à tous ceux que Fenrir avait déjà croisé dans le coin. La bête devait particulière résistante pour se relever après avoir reçu l’éboulement d’un mur sur la tête.

Et de l’autre côté, les fesses à terre, une silhouette masculine à tête brune semblait reculer face à l’affreuse bête manifestement très mécontente que quelqu’un ait infiltré son territoire et qu’en plus on ose l’agresser sur son lieu de vie. L’homme se redressa et sembla mettre de la distance avec l’omnivore forestier. Devinant l’attaque imminente de l’animal, Fen n’écouta que son instinct, comme à son habitude et fit galoper Typhon qui se cabra à moitié une fois arrivé devant le mammifère, faisant claquer fortement ses sabots au sol dans un bruit qui fit sursauter l’animal mais surtout, le stoppa dans son attaque. Fenrir ne s’arrêta pas là. Donnant une impulsion, dans la crinière de l’équidé pour qu’il tourne sur lui-même, il comprit tout de suite ce que sa cavalière voulait faire. Faisant un petit saut de cabris, ses membres antérieurs se lancèrent vers le sanglier, ses sabots ruant droit dans la hure du sanglier. Le premier sabot réussit à le toucher mais le second tapa lourdement une de ses défenses. L’animal recula toutefois davantage et secoua la tête, manifestement étourdis par le coup de sabot. Fenrir tourna la tête et fit face au brun.

▬ Seth ?! Qu’est-ce que tu fou ici tout seul ?! Merde, t’aurais pu te faire tuer par ce monstre.

Elle descendit de cheval avec une facilité déconcertante, il avait l’air de ne pas être blessé. Ça aurait été ironique de ramasser un infirmier blessé voir même inconscient. Elle l’aurait amené où ? Chez l’infirmier ? Le temps n’était pas toutefois pas aux blagues et encore moins aux explications. Le sanglier semblait reprendre du poil de la bête bien plus vite qu’elle ne l’avait pensé. C’était vraiment coriace ces bêtes-là. Fen porta sa main à son sabre alors que l’animal forestier grattait le sol de rage mais ne semblait pas avancer très droit pour le moment. Elle jeta un regard à Seth puis au cheval, semblant réfléchir aux diverses possibilités, mais d’expérience, il fallait être plusieurs Chasseurs ou Protecteurs pour venir à bout d’un tel monstre. Il n’y avait qu’une chose qui venait à l’esprit de Fen : La fuite.

▬ T’es déjà monté à cheval hein ? Parce qu’il va falloir vite bouger nos culs d’là.

Fenrir n’avait aucune idée de la capacité de Seth à monter un cheval à cru, sans aucun équipement pour l’aider. La Verte resta donc à ses côtés au cas où il aurait besoin d’aide mais son sabre était déjà sorti de son fourreau car le sanglier ne leur ferait pas la fleur d’attendre qu’ils soient tous les deux prêts à fuir pour les charger.