Pour une fois que Seth faisait bien son travail. C’était une jolie après midi, et de ce fait il ne voyait pas d’inconvénients à faire sa ronde quotidienne, à un rythme ralenti bien sûr. Il aurait peut être un peu de retard chez Jeanine pour lui changer son pansement, et peut être qu’il rentrerait à la clinique un peu plus tard aussi, et que si quelqu’un s’était cassé quelque chose il devrait attendre un peu plus longtemps.

Enfin, c’est ce qui se serait passé par une douce après midi normale.

Le son de la cloche. Seth fronce les sourcils. Il sait ce à quoi ça correspond, et pourtant il a comme une hésitation à chaque fois qu’elle retentit. Comme une biche qui s’immobilise, surprise par la menace d’un chasseur, une seconde avant de détaler. En lui, lorsqu’elle se déclenche comme ça, il y a toujours un moment où son cœur se serre, où il se dit que c’est peut être une erreur, qu’il n’y a en vérité rien de grave.

Mais cette fois, la cloche retentissait bel et bien.

Étant sur le chemin, trop loin pour rentrer maintenant, il se dirigea vers le bâtiment central, rameutant avec lui tous ceux qu’il croisa sur son chemin.

Il écouta les explications, les propositions… Tout cela n’augurait rien de bon, et tout le monde était très agité. Un peu à l’ouest, il se demandait si Jeanine allait réussir à bien se barricader, ou si son neveu avait pu la rejoindre pour l’y aider. Il se ressaisit au bout d’un instant.

L’agitation allait être mauvaise pour l’organisation, et il fallait éviter la panique alors que le bruit de la cloche retentissait encore dans les esprits, et que le bruit de la chose qui approche ne fait qu’augmenter crescendo. De ce fait, Seth prit le parti d’essayer de calmer l’angoisse générale. C’était assez simple pour lui qui avait l’habitude de traiter les douleurs et de voir la peur dans le visage de souffrants. Il prit l’air désinvolte qu’il avait à l’habitude, cachant sa propre inquiétude, et commença à faire le tour des habitants réfugiés dans le bâtiment central. À qui il avait un mot rassurant, à qui il lançait une blague pour détendre l’atmosphère, à qui il ramenait un peu d’eau et des nouvelles qu’il avait entendues ailleurs. Il n’aidait pas directement à colmater quoi que ce soit, mais peut être qu’en rassérénant certains, il les aidait à prendre une décision, à se mettre en action, ou tout simplement à éviter la panique et la désorganisation.

Il était dehors. Le couturier avait donné une livraison à faire pour Wilwarin qui en revenait, regardant le ciel. Quelque chose n'allait pas... Mais il n'avait aucune idée de ce qu'il se passait. Soudain, un sanglot retenti non loin de lui, l'apprenti tourne rapidement la tête avant de voir la petite du boulanger assise toute seule au sol. Wil' ne pouvait pas laisser passer ça! Alors il s'en approche avec un grand sourire.

— Tu es toute seule? Aller, aller... Je vais te ramener chez tes parents! C'est par où la boulangerie déjà?

Il se penche afin d'attraper l'enfant dans ses bras, se redressant et lui séchant ses larmes. Tout en regardant autours de lui pour trouver le chemin vers la boulangerie. Lorsqu'il le trouve enfin, il commence à s'y diriger et la cloche retenti. Il vient rire doucement.

— Tu entends? C'est la cloche! Si elle retentit, tu dois aller au bâtiment central, c'est celui qui est juste là... Oh, pourquoi tout le monde y va...? OH! La cloche sonne!!

La réalisation du pourquoi et du comment frappe enfin Wilwarin et la panique générale qui s'était directement mise à régner autours d'eux ne fit que refaire pleurer la petite. Wil réfléchissait, la boulangerie était trop loin... Il devait protéger la petite. Alors il se dirige vers la salle commune, aidant d'autres enfants qui étaient dehors au moment de la cloche. C'est donc avec un petit groupe d'enfant qu'il entre dans le bâtiment, tout le monde s'afférait autours de lui et le plus grand était un peu perdu, qui devait-il aider? Il n'en avait aucune idée... Déjà, il tentait rapidement de calmer les petits, les emmenant à l'étage avec les personnes fragiles. Une fois qu'ils sont entre de bonnes mains, il redescend, écoutant ce que les protecteurs racontaient... Un nuage bizarre? Peut-être que les gens s'emballaient pour rien après tout, ils habitent pas dans le ciel eux... Tout le monde bougeait autours de lui et Wil faisait le poteau, regardant ce qu'il pouvait faire mais... Il sait juste se plier et coudre... Et encore... Toujours aussi perdu, il s'approche de quelqu'un qui colmatait les trous et il le prend sur ses épaules pour qu'il puisse faire ceux qui étaient plus haut... Voilà, Wil le poteau était là à défaut de savoir quoi faire... Il fait de son mieux.

Alors qu’il faisait son tour, qu’il s’asseyait avec qui le voulait bien, et qu’il utilisait ses techniques secrètes d’arracheur de dents pour rassurer le petit monde, Seth entendit les propos d’Adim et ne put s’empêcher de pester légèrement à l’intérieur. Certains ne savaient pas lire l’atmosphère ! Mais qu’y pouvait-on.

Une fois ceci fait, le médecin se rendit compte que lui même n’avait pas prêté grande attention à ses propres besoins. D’autres avaient fait bien attention au colmatage, et il était lui même bien incapable de s’occuper d’affaires de bâtiments et que savait-on. De ce fait, il prit congé du protecteur à qui il venait d’apporter un bout de pain et un verre d’eau, lui avait parlé un peu de tout et de rien… Pour aller s’asseoir un peu plus loin.

Il but lui même, souffla, et prit son mal en patience, remarquant que le son se faisait de plus en plus pressant… Ils ne pouvaient plus qu’attendre que ça passe, désormais.

–

résume : rieng

Primrose ne savait trop que penser actuellement, alors qu’elle tentait d’aider autant qu’il lui était possible de le faire. Les évènements s’étaient déroulés rapidement – si rapidement que, l’espace d’un instant, il lui sembla que tout ça n’était qu’un étrange rêve. Mais la réalité, bien évidemment, était qu’elle ne rêvait pas, que la cloche avait réellement sonné, qu’ils étaient désormais tous barricadés dans le bâtiment central à attendre que les vrombissements assourdissants accompagnant un phénomène étrange se dissipent.

Quoique discrètement, elle avait participé aux efforts de calfeutrage lorsque l’idée fut lancée. Elle avait passé un temps à tenter d’apaiser les inquiétudes des autres et les plus jeunes, passant outre sa propre anxiété causée par la venue de ce nuage sombre qu’avaient décrit les protecteurs. Elle avait entendu les hypothèses des autres et capté certaines des idées absurdes de certaines personnes. Car elle s’était faite discrète, mais elle était tout de même là, à écouter, à réfléchir, à attendre anxieusement que le temps passe et qu’avec lui, le chaos à l’extérieur disparaisse.

Mais la jeune femme voyait bien qu’attendre ne plaisait pas à tous. Malgré les conseils qui furent offerts, malgré les mots rassurants des plus influents… Il était clair que plusieurs se sentaient étouffés, pris au piège dans cette bâtisse où beaucoup étaient entassés. Et bien qu’elle était certaine qu’ils savaient que c’était un mal nécessaire, Primrose savait aussi que les crises de panique ne se contrôlaient pas.

Lorsque quelqu’un vint prendre la relève auprès des plus jeunes, de qui la jeune femme s’était occupé jusqu’alors, et qu’elle se leva afin de se rendre aux cuisines, un bruit sourd résonna dans le bâtiment central. Puis un autre, et un troisième. Puis des centaines, comme des coups répétés contre la structure à une vitesse phénoménale. Elle avait sursauté, la panique l’ayant envahie l’espace d’un instant – panique qu’elle réprima à grand peine, comme elle ne voulait pas alarmer les autres plus qu’ils ne l’étaient déjà. Elle avança avec précaution jusqu’à sa destination d’origine, où elle reprit quelques rations afin d’aller en distribuer à ceux qui en avaient besoin, en offrant un sourire et quelques paroles rassurants.

Il lui sembla qu’une éternité s’écoula avant que le chaos ne s’atténue enfin. Elle avait fini sa tâche actuelle lorsqu’elle avait réalisé que le bruit s’était éloigné, que ça ne cognait plus contre les murs du bâtiment. Primrose sentait son cœur battre la chamade mais, bien qu’elle partageait cette envie de sortir d’ici au plus vite avec certains des villageois, elle savait qu’il valait mieux prendre son mal en patience. Pour la première fois depuis le début de cette affaire, elle prit l’initiative de commencer à vérifier le calfeutrage qui avait été effectué à la hâte avant l’arrivée du nuage. D’abord à l’œil, puis en appuyant son oreille contre les murs afin d’essayer d’entendre ce qui se passait dehors.

« Je sais que plusieurs ont envie de sortir, mais je crois qu’il serait plus judicieux de prendre notre mal en patience. On peut encore entendre les bruits, dehors… Il vaut mieux attendre qu’on ne les entende plus avant de quitter le bâtiment, qu’elle annonça à qui voulut bien l’entendre. »

Elle avait bien compris que certains paniquaient. Elle avait bien vu que certains n’aimaient pas cette impression d’être enfermés dans une boîte, à attendre que le pire ne se produise. S’ils voulaient éviter le pire, cependant, le mieux qu’ils pouvaient faire était de rester ici, où ils étaient en sûreté. Pour le moment, en tout cas.

Le bruit, le bruit, le bruit… Insupportable attente, alors qu’il se rapprochait. Si, au début, il y avait le brouhaha à l’intérieur, si les plus gaillards pouvaient encore s’agiter et discuter, au fur et à mesure même eux se turent, de plus en plus. Puis, vint l’attente, dans l’angoisse presque palpable aux alentours.

Et enfin, le grand vacarme.

La bâtisse était solide, et chacun avait mis du sien pour bien en boucher toutes les aérations, mais le bruit était si fort, et la puissance des impacts si grande qu’elle en fut ébranlée.

Même Seth, pourtant habitué aux dangers des sorties et au grand stress de certaines opérations n’était pas serein. Il y avait des ennemis contre lesquels on ne pouvait rien faire, et si quoi que ce soit cédait… Mais l’un dans l’autre il s’en sortait bien. Soufflant assez fort pour se redonner une contenance, il prit le parti de faire le tour de l’assemblée pendant l’éternité que dura l’assaut, donnant un sourire rassurant ici, une accolade et un murmure de soutien là. C’était étrange car il ne se voyait pas parler fort malgré le vacarme, c’était comme s’il voulait se faire le plus petit possible pour éviter d’attirer plus encore la colère de ce qui se trouvait au dehors.

Puis, enfin, aussi soudainement qu’il était venu, le bruit cessa… Enfin, le vacarme, du moins, et recommença le bruit qu’ils avaient tous entendu au début, qui s’éloignait de plus en plus.

Après un moment passé, il s’assit de nouveau, comme si la force lui manquait dans les jambes, comme s’il avait utilisé toute son énergie juste pour paraître bien pendant les quelques minutes qu’a duré cette épreuve. Mais ce repos ne pouvait pas durer.

« Au contraire, je propose que certains d’entre nous sortent voir. Si qui que ce soit s’est retrouvé coincé dehors, il faut sortir au plus vite pour les aider et évaluer les dégâts. Ça nous permettra aussi de voir si ce nuage s’éloigne bien ou s’il revient. Pas besoin de défaire totalement ce que nous avons bouché, il suffit de dégager la porte principale, ça ne devrait pas être très long à refaire s’il fallait se recacher. »

Il laissa ses paroles planer quelques instants, histoire que tous puissent les absorber.

« Bien entendu, je me porte volontaire pour sortir. Personne n’a à se mettre en danger pour rien. »

[résumé : Seth fait un petit tour pendant LE BRUIT pour essayer de rassurer le plus de monde possible, puis propose de sortir s’assurer que le danger est bien passé]